Le film « La Nuit des rois » se déroule dans la Maison d’Arrêt et de Correction d’Abidjan (MACA), l’une des prisons les plus surpeuplées d’Afrique de l’Ouest. Il relate l’histoire de Barbe Noire, un caïd malade et vieillissant de plus en plus contesté qui, pour conserver son pouvoir, renoue avec le rituel de “Roman”, qui consiste à obliger un prisonnier à raconter des histoires durant toute une nuit. 

Le réalisateur, Philippe Lacôte, affirme avoir choisi la MACA car c’est un lieu qui ne lui était pas étranger. Il a découvert cet endroit  quand il était enfant et y allait régulièrement parce que sa mère, opposante politique, y a été enfermée durant plusieurs mois. "J’allais une fois par semaine la voir en prenant un taxi collectif qui longeait la forêt. Il n’y a pas de parloir individuel, donc les visiteurs sont au milieu de prisonniers qui circulent librement dans une grande salle. Cela me permettait d’observer les comportements, d’écouter la langue de la prison, de regarder certains détails. J’avais l’impression d’être à la cour d’un ancien royaume, avec ses princes et ses laquais. Je garde encore des souvenirs très vifs de certaines voix, certaines images."

"C’est cette atmosphère que j’ai eu envie de prolonger dans La Nuit des Rois. Par ailleurs, pour diverses autres raisons, la prison est quelque chose qui est très proche de moi : des frères y sont allés, j’ai animé des ciné-clubs dans différentes prisons pendant plusieurs années en France. C’est un univers que j’ai appris à ne plus fantasmer, que je commence à connaître. Donc j’avais envie de donner un regard de l’intérieur, de montrer comment la prison fonctionne comme une société à part entière."

Pour le film, la prison a été reconstituée grâce aux bâtiments de la ville coloniale de Grand-Bassam, qui se trouve à environ une heure d’Abidjan sur la côte. Toutes les images sur les murs viennent de fresques vues dans de vraies prisons à travers l’Afrique. Même la phrase "Si Dieu dit Oui, personne ne peut dire Non", qui entame la narration du personnage principal, vient d’une prison en Sierra Leone. "L’idée de destin sous-tend chacun de mes personnages. Comme un fil invisible qui guide leur vie. Mais cela ne veut pas dire qu’ils n’ont pas de libre-arbitre. En acceptant son destin, Roman trouve la force de se libérer par les mots et de se révéler en conteur", précise Philippe Lacôte. 

Choisir un prisonnier et l'obliger à raconter des histoires toutes les nuits est une pratique qui existe au sein de la MACA. Mais elle n'est pas aussi extrême que dans le film comme l'explique le réalisateur qui confie avoir ajouté une dimension dramatique de la mort. C'est un ami d'enfance sorti de cette prison qui a été sa source d’inspiration  et a réveillé ses souvenirs d'enfance. Le film produit par Banshee Films sortira en France le 8 septembre 2021.